12. La Rencontre
J’ai terminé mes études et commencé à travailler comme éducatrice spécialisée. Ma vie était passionnante et m’allait très bien ainsi. Je chantais dans le groupe Hallel avec mes parents et des gens très sympas. Nous animions des messes et des cultes et nous donnions des concerts en Suisse et en Francophonie. J’aimais beaucoup l’ambiance entre nous. Parfois, je me demandais si je savais vraiment ce que je chantais. Dans notre groupe, il y avait trois personnes un peu différentes. Daniel, un pianiste, Allison, sa femme, et Stanley, un guitariste. Ces trois semblaient connaître Jésus d’une manière intime et étaient connectés entre eux. Stanley jouait de la guitare électrique avec un talent de haut niveau. Il nous enchantait avec des solos de grande classe. Puis, un jour, il nous a stupéfiés en nous disant qu’il quittait le groupe. Dieu lui avait dit de cesser de jouer de la guitare. J’ai été choquée qu’il arrête, qu’il puisse raconter que Dieu lui dise quoique ce soit et qu’en plus ce dernier lui dise d’arrêter quelque chose où il était excellent. Cela m’a complètement dépassée.
Je chantais aussi dans un groupe de femmes qui s’appelait « Femmes très scène ». Ce groupe était formé de ma mère, sa sœur Christine, Nicole, une amie de cette dernière et Irène, la pianiste. Avec les trois chanteuses, je suivais des cours de chant classique donnés par Nicole Fallien, une professeure du conservatoire de Paris qui venait régulièrement en Suisse. Son fils, Frédéric Faye, nous enseignait une technique de chant dans le registre moderne. Avec « Femmes très scène », nous chantions des morceaux de Maurane, Catherine Lara, Edith Piaf, Boris Vian, Magalie Noël ou Maxime Le Forestier. Je raffolais de chanter avec ces femmes. Je me sentais comme une petite fille qui jouait. Nous enfilions nos costumes de scène, nous maquillions, puis il y avait le public, la lumière et cette émotion fantastique. Une belle complicité régnait entre nous pendant les répétitions et sur scène. Je m’amusais beaucoup. J’ai été étonnée d’entendre des gens que je connaissais et qui étaient venus nous voir. Ils me parlaient de mon aisance, de ma présence sur scène, de ma voix, de mon corps. « Tu es une bombe ! » s’est exclamée une collègue de travail. Je ne m’y attendais pas, mais cela me plaisait. Le spectacle marchait bien. Il y avait toujours plus de monde. Des gens devaient se tenir debout au fond de la salle, faute de place.
A 25 ans, j’avais un poste intéressant comme éducatrice spécialisée dans un home-école pour enfants et adolescents en situation de handicap physique. J’étais répondante à la Main tendue. Je vivais dans un appartement sympa et j’étais entourée de personnes de qualité. Tout allait comme je le voulais. Et pourtant, cette année-là est marquée d’une pierre brûlante, une pierre frappée par la foudre. Oui, un coup de foudre extraordinaire m’a fait entrer dans ma nouvelle vie.
En y repensant aujourd’hui, je m’étonne que rien ne m’ait avertie du bouleversement que j’allais vivre. Avant une tempête, un vent léger se lève, puis devient de plus en plus fort. Ensuite, éclate l’orage dans toute sa puissance. Mais cet été 1992, la tempête est arrivée dans le silence et le calme plat. Pourtant, elle a été si violente qu’elle a déchiré le tissu de ma vie en deux morceaux.
J’avais choisi de faire un camp organisé par la paroisse du Sentier pour passer du bon temps avec Caroline, ma sœur et des gens sympas. L’endroit était très beau. La haute Ardèche, en pleine nature, loin de tout. Il y avait une grande et belle bâtisse en pierre et une ancienne bergerie rénovée en chapelle.
Cela aurait dû être un camp sympa, avec des moments d’études bibliques et des soirées à chanter autour d’un feu. Mais dès le début, ça n’a pas tourné comme j’avais prévu. Le premier soir, au lieu d’une soirée de guitare et de chants enthousiasmants, j’ai découvert un groupe de louange d’une église évangélique. Un chant qui parlait de la mort de l’agneau et de son sang versé pour nous me bouleversait terriblement. On le répétait en boucle, sans fin. Je me sentais horriblement triste. A la fin de la soirée, j’ai parlé avec Caroline. Elle était du même avis que moi : nous nous sentions mal ici. Nous avons décidé ensemble que nous n’allions pas gâcher nos vacances et que nous allions quitter ce camp. Nous en avons parlé avec notre tante, Marie-Claude, qui faisait partie des responsables et que nous aimions beaucoup. Elle nous a dit : « Je vous en prie, restez encore un peu. Donnez-nous une chance ». Par amour pour elle, nous avons accepté d’essayer. Les jours ont passé avec des temps de louange douloureux et des temps d’enseignement intéressants.
J’ai découvert qu’il y avait dans ce camp deux catégories de personnes. Les gens normaux, comme ma sœur et moi, et les Autres. Les Autres étaient peu nombreux, mais ils faisaient partie des responsables et des musiciens. Les Autres avaient quelque chose de différent, quelque chose en plus. Je n’arrivais pas à savoir quoi. Une discussion avec un de ces Autres m’a fortement énervée. Il m’a demandé depuis quand j’étais chrétienne. Je lui ai répondu que c’était depuis ma naissance. Ce n’était pas possible à ses yeux. Devenir chrétien, c’était faire un choix, un pas conscient. Je lui ai dit que j’étais chrétienne comme lui, et lui m’a répondu que ce qui comptait, c’était la relation avec Dieu. Je lui ai rétorqué que je chantais et priais Dieu. Mais lui m’a dit que ça devait être une relation dans les deux sens. Je ne comprenais pas. Ce qui m’agaçait le plus, c’est qu’il disait régulièrement : « Moi aussi, je pensais comme toi, avant ». Avant…. Mais avant quoi ?!
Le mercredi, Caroline et moi nous nous retrouvées dans un champ pour prier. Nous nous sentions intriguées et avions envie de connaître ce dont parlaient les Autres, dont Marie-Claude et Théo, son mari, semblaient faire partie. Assises à l’ombre d’un tilleul, nous avons beaucoup parlé de ce que nous voyions, ressentions, de nos envies, de nos peurs. Puis, nous avons prié chacune à notre tour avec nos propres mots : « Seigneur, je vois qu’il existe quelque chose de plus que je ne connais pas. Je suis devant une porte fermée. Je veux t’ouvrir cette porte maintenant. Viens... Amen ». Lorsque j’ai ouvert les yeux, j’ai vu un papillon blanc bordé de noir posé sur mon épaule gauche. Il est resté accroché à moi tout le reste de la journée, à table, aux toilettes, ... Les gens s’étonnaient. Au milieu de l’après-midi, une pensée « Maintenant, il faut que j’aille à la bergerie ». Lorsque je me suis dirigée vers elle, le papillon s’est envolé.
J’ai tourné en rond dans la chapelle, seule. Je me sentais en quête. Un recueil de chant était ouvert et j’ai découvert à cet instant une des manières dont Dieu aimait me parler. Mon regard est tombé « par hasard » sur une phrase qui semblait jaillir du papier. Elle était comme éclairée ou grossie par une loupe. En tout cas, je ne pouvais pas la manquer. « Laisse-toi guider. Je te montrerai la route ». J’ai eu l’impression que Dieu m’avait écrit, qu’il nous avait répondues. Je suis allée l’annoncer à Caroline. Après le repas du soir, nous nous sommes tous réunis dans la bergerie. Je me suis assise à côté de Caroline. A la fin de la soirée, nous avons chanté ces fameux chants dont on répète plusieurs fois les mêmes couplets. « Ô, j’ai besoin de toi » Il était déjà tard. Je me sentais fatiguée. Je me suis dit : « Bon, je vais aller me coucher ».
Soudain, mon cœur bat à rompre, je ressens des fourmillements dans tout mon corps. J’ai l’impression que celui qui anime la louange s’adresse précisément à moi. J’ai très chaud.
Un feu tombe d’en haut et entre dans ma tête. Il traverse mon corps et reste en moi. Je ne comprends rien de ce qui m’arrive. D’un coup, je suis hors de mon corps. Je me trouve dans un espace infini et lumineux.
Voilà, je dois être morte.
Je me sens merveilleusement bien. C’est beau et bon ici. Tout est paisible et il n’y a pas de limite. Je veux rester ici.
Une vague monte en moi. Qu’est-ce que c’est ? Je ne peux pas la retenir. Elle enfle de mon ventre, envahit ma gorge. Elle jaillit par ma bouche et mes yeux. J’éclate en sanglots sans savoir pourquoi, et je pleure fort très longtemps. Je ne suis pas triste, ces larmes sont incompréhensibles. Mais c’est extraordinairement bon, jubilatoire. Ce feu tombé en moi apporte avec lui une sensation extrêmement puissante de plaisir pur. Je suis en état d’extase. C’est comme un orgasme non sexuel, un orgasme du corps entier, de la tête, du cœur, multiplié par cent. Je brûle, brûle. Ce feu déploie en moi un amour inconnu. Je me sens aimée, aimée, aimée, comme jamais avant. Mon corps est dans la bergerie, mais moi, je suis ailleurs. Je marche dans le feu et c’est sublime. Je pense que je suis en train de mourir et je me dis : « Si c’est ça l’éternité, alors je suis d’accord de mourir maintenant ». Et ça dure, encore et encore.
Puis, lentement, je reviens dans mon corps, dans la bergerie. J’entends mes sanglots. Puis, je perçois des pleurs à côté de moi. J’ouvre mes yeux et je vois mes mains. Je comprends alors que je ne suis pas morte. Je regarde Caroline et je la vois en larmes. Je crois qu’elle pleure de compassion pour moi. Nous nous aimons tant. Je me penche vers elle et lui dis : « Tout va bien, ne crains rien. Mon Dieu, c’est merveilleux !!». Elle tourne son regard vers moi. Ses yeux bleus irradient. Je remarque son visage lumineux lorsqu’elle me répond : « Je sais ! Pour moi aussi !!».
Caroline venait de vivre la même expérience que moi, en même temps ! A partir de ce moment, nous sommes devenues jumelles spirituellement. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu des gens penchés vers nous. C’était des Autres. Ils souriaient, ils priaient. Notre tante était là aussi. Elle nous a dit : « Vous venez de recevoir le baptême du Saint-Esprit, le baptême du feu dont parle Jésus dans la Bible. C’est comme à la Pentecôte. Vous venez de vivre une nouvelle naissance. Désormais, l’Esprit de Dieu habite en vous ». J’étais stupéfaite. Je ne savais pas qu’il était possible de vivre ce que les disciples de Jésus avaient vécu en recevant le feu du ciel à la Pentecôte ! En moi, dansait une joie énorme qui m’étourdissait. Je suis allée me coucher et j’ai peu dormi. J’étais exaltée, dans un bonheur inconnu. Au matin, la joie était toujours là, folle, ample. J’étais devenue une Autre. Je me sentais intensément amoureuse de Dieu, atteinte par un véritable coup de foudre…
Nous ne cessions de nous raconter, Caroline et moi, ce que nous avions vécu. Nous étions reconnaissantes de l’avoir expérimenté ensemble. Comme ça, si un jour une de nous avait des doutes, l’autre pouvait lui dire que c’était bien réel, que ce n’était pas un délire ou un rêve.
Les jours suivants, beaucoup de gens ont reçu aussi le baptême de l’Esprit. Ce n’était pas toujours aussi spectaculaire. Parfois, simplement des larmes et un chuchotement : « Mon Dieu, oh, mon Dieu », parfois des rires, parfois des tremblements. L’euphorie s’étendait dans le camp. Heureusement que nous logions loin de tout village, sinon les gens nous auraient pris pour des cinglés ! Je ressentais une ivresse continue, une envie de rire et de chanter, de danser, une incroyable impression de liberté. Tout était devenu beau, les fleurs, les papillons, les cailloux… Un homme, que je connaissais comme sérieux gambadait, dans les champs en s’extasiant à haute voix sur la création… Nous étions heureux et fous d’amour pour Dieu. Les gens se mettaient à prophétiser. D’autres parlaient des langues inconnues. Cela se passait exactement comme dans la Bible.
Je chantais aussi dans un groupe de femmes qui s’appelait « Femmes très scène ». Ce groupe était formé de ma mère, sa sœur Christine, Nicole, une amie de cette dernière et Irène, la pianiste. Avec les trois chanteuses, je suivais des cours de chant classique donnés par Nicole Fallien, une professeure du conservatoire de Paris qui venait régulièrement en Suisse. Son fils, Frédéric Faye, nous enseignait une technique de chant dans le registre moderne. Avec « Femmes très scène », nous chantions des morceaux de Maurane, Catherine Lara, Edith Piaf, Boris Vian, Magalie Noël ou Maxime Le Forestier. Je raffolais de chanter avec ces femmes. Je me sentais comme une petite fille qui jouait. Nous enfilions nos costumes de scène, nous maquillions, puis il y avait le public, la lumière et cette émotion fantastique. Une belle complicité régnait entre nous pendant les répétitions et sur scène. Je m’amusais beaucoup. J’ai été étonnée d’entendre des gens que je connaissais et qui étaient venus nous voir. Ils me parlaient de mon aisance, de ma présence sur scène, de ma voix, de mon corps. « Tu es une bombe ! » s’est exclamée une collègue de travail. Je ne m’y attendais pas, mais cela me plaisait. Le spectacle marchait bien. Il y avait toujours plus de monde. Des gens devaient se tenir debout au fond de la salle, faute de place.
A 25 ans, j’avais un poste intéressant comme éducatrice spécialisée dans un home-école pour enfants et adolescents en situation de handicap physique. J’étais répondante à la Main tendue. Je vivais dans un appartement sympa et j’étais entourée de personnes de qualité. Tout allait comme je le voulais. Et pourtant, cette année-là est marquée d’une pierre brûlante, une pierre frappée par la foudre. Oui, un coup de foudre extraordinaire m’a fait entrer dans ma nouvelle vie.
En y repensant aujourd’hui, je m’étonne que rien ne m’ait avertie du bouleversement que j’allais vivre. Avant une tempête, un vent léger se lève, puis devient de plus en plus fort. Ensuite, éclate l’orage dans toute sa puissance. Mais cet été 1992, la tempête est arrivée dans le silence et le calme plat. Pourtant, elle a été si violente qu’elle a déchiré le tissu de ma vie en deux morceaux.
J’avais choisi de faire un camp organisé par la paroisse du Sentier pour passer du bon temps avec Caroline, ma sœur et des gens sympas. L’endroit était très beau. La haute Ardèche, en pleine nature, loin de tout. Il y avait une grande et belle bâtisse en pierre et une ancienne bergerie rénovée en chapelle.
Cela aurait dû être un camp sympa, avec des moments d’études bibliques et des soirées à chanter autour d’un feu. Mais dès le début, ça n’a pas tourné comme j’avais prévu. Le premier soir, au lieu d’une soirée de guitare et de chants enthousiasmants, j’ai découvert un groupe de louange d’une église évangélique. Un chant qui parlait de la mort de l’agneau et de son sang versé pour nous me bouleversait terriblement. On le répétait en boucle, sans fin. Je me sentais horriblement triste. A la fin de la soirée, j’ai parlé avec Caroline. Elle était du même avis que moi : nous nous sentions mal ici. Nous avons décidé ensemble que nous n’allions pas gâcher nos vacances et que nous allions quitter ce camp. Nous en avons parlé avec notre tante, Marie-Claude, qui faisait partie des responsables et que nous aimions beaucoup. Elle nous a dit : « Je vous en prie, restez encore un peu. Donnez-nous une chance ». Par amour pour elle, nous avons accepté d’essayer. Les jours ont passé avec des temps de louange douloureux et des temps d’enseignement intéressants.
J’ai découvert qu’il y avait dans ce camp deux catégories de personnes. Les gens normaux, comme ma sœur et moi, et les Autres. Les Autres étaient peu nombreux, mais ils faisaient partie des responsables et des musiciens. Les Autres avaient quelque chose de différent, quelque chose en plus. Je n’arrivais pas à savoir quoi. Une discussion avec un de ces Autres m’a fortement énervée. Il m’a demandé depuis quand j’étais chrétienne. Je lui ai répondu que c’était depuis ma naissance. Ce n’était pas possible à ses yeux. Devenir chrétien, c’était faire un choix, un pas conscient. Je lui ai dit que j’étais chrétienne comme lui, et lui m’a répondu que ce qui comptait, c’était la relation avec Dieu. Je lui ai rétorqué que je chantais et priais Dieu. Mais lui m’a dit que ça devait être une relation dans les deux sens. Je ne comprenais pas. Ce qui m’agaçait le plus, c’est qu’il disait régulièrement : « Moi aussi, je pensais comme toi, avant ». Avant…. Mais avant quoi ?!
Le mercredi, Caroline et moi nous nous retrouvées dans un champ pour prier. Nous nous sentions intriguées et avions envie de connaître ce dont parlaient les Autres, dont Marie-Claude et Théo, son mari, semblaient faire partie. Assises à l’ombre d’un tilleul, nous avons beaucoup parlé de ce que nous voyions, ressentions, de nos envies, de nos peurs. Puis, nous avons prié chacune à notre tour avec nos propres mots : « Seigneur, je vois qu’il existe quelque chose de plus que je ne connais pas. Je suis devant une porte fermée. Je veux t’ouvrir cette porte maintenant. Viens... Amen ». Lorsque j’ai ouvert les yeux, j’ai vu un papillon blanc bordé de noir posé sur mon épaule gauche. Il est resté accroché à moi tout le reste de la journée, à table, aux toilettes, ... Les gens s’étonnaient. Au milieu de l’après-midi, une pensée « Maintenant, il faut que j’aille à la bergerie ». Lorsque je me suis dirigée vers elle, le papillon s’est envolé.
J’ai tourné en rond dans la chapelle, seule. Je me sentais en quête. Un recueil de chant était ouvert et j’ai découvert à cet instant une des manières dont Dieu aimait me parler. Mon regard est tombé « par hasard » sur une phrase qui semblait jaillir du papier. Elle était comme éclairée ou grossie par une loupe. En tout cas, je ne pouvais pas la manquer. « Laisse-toi guider. Je te montrerai la route ». J’ai eu l’impression que Dieu m’avait écrit, qu’il nous avait répondues. Je suis allée l’annoncer à Caroline. Après le repas du soir, nous nous sommes tous réunis dans la bergerie. Je me suis assise à côté de Caroline. A la fin de la soirée, nous avons chanté ces fameux chants dont on répète plusieurs fois les mêmes couplets. « Ô, j’ai besoin de toi » Il était déjà tard. Je me sentais fatiguée. Je me suis dit : « Bon, je vais aller me coucher ».
Soudain, mon cœur bat à rompre, je ressens des fourmillements dans tout mon corps. J’ai l’impression que celui qui anime la louange s’adresse précisément à moi. J’ai très chaud.
Un feu tombe d’en haut et entre dans ma tête. Il traverse mon corps et reste en moi. Je ne comprends rien de ce qui m’arrive. D’un coup, je suis hors de mon corps. Je me trouve dans un espace infini et lumineux.
Voilà, je dois être morte.
Je me sens merveilleusement bien. C’est beau et bon ici. Tout est paisible et il n’y a pas de limite. Je veux rester ici.
Une vague monte en moi. Qu’est-ce que c’est ? Je ne peux pas la retenir. Elle enfle de mon ventre, envahit ma gorge. Elle jaillit par ma bouche et mes yeux. J’éclate en sanglots sans savoir pourquoi, et je pleure fort très longtemps. Je ne suis pas triste, ces larmes sont incompréhensibles. Mais c’est extraordinairement bon, jubilatoire. Ce feu tombé en moi apporte avec lui une sensation extrêmement puissante de plaisir pur. Je suis en état d’extase. C’est comme un orgasme non sexuel, un orgasme du corps entier, de la tête, du cœur, multiplié par cent. Je brûle, brûle. Ce feu déploie en moi un amour inconnu. Je me sens aimée, aimée, aimée, comme jamais avant. Mon corps est dans la bergerie, mais moi, je suis ailleurs. Je marche dans le feu et c’est sublime. Je pense que je suis en train de mourir et je me dis : « Si c’est ça l’éternité, alors je suis d’accord de mourir maintenant ». Et ça dure, encore et encore.
Puis, lentement, je reviens dans mon corps, dans la bergerie. J’entends mes sanglots. Puis, je perçois des pleurs à côté de moi. J’ouvre mes yeux et je vois mes mains. Je comprends alors que je ne suis pas morte. Je regarde Caroline et je la vois en larmes. Je crois qu’elle pleure de compassion pour moi. Nous nous aimons tant. Je me penche vers elle et lui dis : « Tout va bien, ne crains rien. Mon Dieu, c’est merveilleux !!». Elle tourne son regard vers moi. Ses yeux bleus irradient. Je remarque son visage lumineux lorsqu’elle me répond : « Je sais ! Pour moi aussi !!».
Caroline venait de vivre la même expérience que moi, en même temps ! A partir de ce moment, nous sommes devenues jumelles spirituellement. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu des gens penchés vers nous. C’était des Autres. Ils souriaient, ils priaient. Notre tante était là aussi. Elle nous a dit : « Vous venez de recevoir le baptême du Saint-Esprit, le baptême du feu dont parle Jésus dans la Bible. C’est comme à la Pentecôte. Vous venez de vivre une nouvelle naissance. Désormais, l’Esprit de Dieu habite en vous ». J’étais stupéfaite. Je ne savais pas qu’il était possible de vivre ce que les disciples de Jésus avaient vécu en recevant le feu du ciel à la Pentecôte ! En moi, dansait une joie énorme qui m’étourdissait. Je suis allée me coucher et j’ai peu dormi. J’étais exaltée, dans un bonheur inconnu. Au matin, la joie était toujours là, folle, ample. J’étais devenue une Autre. Je me sentais intensément amoureuse de Dieu, atteinte par un véritable coup de foudre…
Nous ne cessions de nous raconter, Caroline et moi, ce que nous avions vécu. Nous étions reconnaissantes de l’avoir expérimenté ensemble. Comme ça, si un jour une de nous avait des doutes, l’autre pouvait lui dire que c’était bien réel, que ce n’était pas un délire ou un rêve.
Les jours suivants, beaucoup de gens ont reçu aussi le baptême de l’Esprit. Ce n’était pas toujours aussi spectaculaire. Parfois, simplement des larmes et un chuchotement : « Mon Dieu, oh, mon Dieu », parfois des rires, parfois des tremblements. L’euphorie s’étendait dans le camp. Heureusement que nous logions loin de tout village, sinon les gens nous auraient pris pour des cinglés ! Je ressentais une ivresse continue, une envie de rire et de chanter, de danser, une incroyable impression de liberté. Tout était devenu beau, les fleurs, les papillons, les cailloux… Un homme, que je connaissais comme sérieux gambadait, dans les champs en s’extasiant à haute voix sur la création… Nous étions heureux et fous d’amour pour Dieu. Les gens se mettaient à prophétiser. D’autres parlaient des langues inconnues. Cela se passait exactement comme dans la Bible.