16. La prière des ancêtres
J’ai eu le bonheur d’avoir quatre grands-parents chrétiens. Cela signifie qu’ils ont prié pour nous, leur descendance. C’est bon de le savoir. Un fil de bénédictions nous relie les uns aux autres sur plusieurs générations.
Mon grand-papa maternel, Constant, est mort alors que j’étais adolescente, en 1982. Je l’ai vu souffrir du cancer et s’éteindre après avoir combattu. Il avait 65 ans. Il se réjouissant tant de sa retraite ! Je me souviens de mes larmes dans mon lit et de maman qui me disait qu’au moins, il n’avait plus mal. J’aimais cet homme, son regard bleu pétillant, ses rires qui lui tiraient des larmes, sa manière de s’essuyer les yeux avec la paume de ses mains.
Son départ m’ébranlait. J’avais peur de la mort et du cancer.
Son enterrement a été un moment glacial et profondément triste.
Ensuite, en 1987, ma grand-maman paternelle, Rita, a été stoppée nette à 73 ans. Son cœur n’a plus suivi ses élans de petite femme énergique. Elle était vive et vraie. Elle mettait de l’éclat dans sa maison. Avec Caroline, nous lui avons rendu visite alors qu’elle était aux soins intensifs, dans le coma, déjà sur le départ. Son corps paraissait frêle sous les draps et son visage était extrêmement pâle. Nous lui avons parlé, caressé les mains, puis nous sommes reparties en croisant notre oncle bouleversé. Caroline et moi avons passé une partie de la nuit suivante devant la télévision à manger de la glace par pot. J’avais juste 20 ans et je me sentais impuissante face à cette vie qui s’en allait. Lorsque Rita est morte, mon grand-papa Johnny m’a serrée dans les bras très fort, à me faire mal. Lui, ample et puissant, semblait désespéré, abandonné.
L’enterrement de Rita a été gris et bouleversant.
La mort tirait un trait sur une vie et laissait les vivants amputés, avec un goût de cendre et de solitude.
En automne 1992, quelques mois après la Rencontre, il y a eu un nouveau deuil. Grand-papa Johnny nous avait dit que sa gerbe était pleine et qu’il pouvait partir. Il avait 80 ans. Un jour, alors qu’il venait de boire un café dans un restaurant, il a payé, s‘est levé, a dit joyeusement « Au revoir, la compagnie ! » et il est mort, debout. Son cœur avait cessé de battre.
Grand-papa Johnny était rieur, bon vivant, généreux. C’était un homme gai et avec un bon sens de l’humour. Lorsque j’étais petite, il cachait des chocolats pour nous dans un pot sur le piano et nous allions les chercher sans que grand-maman Rita ne le remarque. Lorsqu’il faisait la sieste au carnotzet, nous venions glisser un doigt sur sa calvitie et nous disions « patinoire à mouches ». Il faisait semblant de chasser des mouches. Il nous chatouillait, nous serrait dans ses bras. J’aimais ses franches empoignades. Je me sentais aimée et avoir de la valeur à ses yeux. Après la mort de grand-maman Rita, je venais parfois dîner chez lui et il préparait un excellent couscous ou une pastascuitta à la bolognaise. Il arrivait qu’une cousine ou deux soient là aussi. C’était chouette de se retrouver et c’était aussi notre manière de l’entourer. Nous sommes neuf cousines et nous lui manifestions de l’amour, chacune comme elle le pouvait. J’aimais parler avec lui. Il partageait volontiers les expressions de sa famille comme « On dirait du veau ! » et « On est bien comme en plein air ».
J’ai pu lui raconter ce que j’avais vécu au camp. Il semblait me comprendre.
Lorsqu’il est mort, la famille a voulu qu’on puisse veiller son corps à la maison. Il a fallu un peu batailler, puis nous avons pu installer son cercueil ouvert dans sa chambre à coucher. Pendant trois jours, je suis souvent venue pour être près de lui. A un moment, je me suis retrouvée avec ma sœur et plusieurs cousines autour du cercueil. Nous avions mis des chaises en cercle et nous parlions ensemble de lui, de nos souvenirs, de la vie. Nous l’avions entre nous, comme avant. C’était doux et léger, grave et joyeux. Il avait conservé un petit sourire coquin qui lui ressemblait bien. C’est lors de cette rencontre que nous avons décidé de nous retrouver tous les ans pour un souper entre cousines. Cela a lieu encore aujourd’hui.
A l’enterrement, j’ai ressenti de la joie, de la reconnaissance. Tout était juste et bon. Une sorte d’allégresse m’habitait. C’était quelque chose de neuf. On aurait dit que l’église était remplie de jubilation. Au cimetière, devant la tombe ouverte, spontanément nous avons entonné « A toi la gloire, o ressuscité ». Ensuite, j’ai eu l’impression que nous consolions ceux qui étaient venus. J’avais la certitude que grand-papa Johnny était passé derrière le voile et que c’était merveilleux pour lui.
Ces trois jours ont désamorcé les derniers rouages de peur face à la mort.
Elle est un envol, un passage à travers une porte ouverte. L’éternité est à portée de nous. Grand-papa Johnny est dans l’amour et la joie pour toujours. Tout est bien.
Irène, ma dernière grand-maman a tout de suite compris de quoi je parlais lorsque je lui ai conté le camp de 1992. Elle avait expérimenté la puissance du Saint-Esprit depuis de nombreuses années et même au fond de sa chair. Un avortement par obéissance devant le corps médical, une dépression qui a suivi, et la voilà chez un guérisseur, pendule à la main. Dès son départ de chez cet homme, une terrible crise d’urticaire l’a recouverte de plaques rouges et de démangeaisons. Cela a duré cinq mois. Le médecin a tout tenté, même de l’autotransfusion de sang.
C’est un pasteur flamboyant, Maurice Ray, qui va la conduire vers la guérison. Il a prié pour elle. S’en est suivi une nuit de combat pour Irène, gonflée par l’urticaire, défigurée au point que sa bouche rejoignait ses oreilles. Assise sur son lit, refusant tous médicaments, elle a attendu. Elle a dit à Constant « Puisque le Christ a mis sa main sur moi, il doit me guérir. J’attends ». A cinq heures du matin, l’urticaire est partie. Et il n’est plus jamais revenu.
Avec Irène, nous pouvions parler des heures durant, passionnément, de tout. Nous étions en lien. Elle reste une inspiration pour moi aujourd’hui.
J’ai une marraine en or. Sœur Odette, 90 ans aujourd’hui, est une diaconesse de Saint-Loup, une sœur réformée. Cette femme est un enrichissement depuis ma naissance. Ses prières m’ont entourée, sa vivacité m’a entrainée, son courage m’a inspirée et sa foi m’a nourrie. Elle rayonne de sagesse et de simplicité, avec humour et humanité. Elle est humble et exemplaire, dense et généreuse,. Nos discussions sont passionnées et profondes, explorant l’humanité autant que le Ciel. C’est très encourageant de pouvoir partager avec une femme qui a tant d’expériences, sachant se mettre au service des autres, en particulier de gens dans le besoin autour d’elle comme de sans-abris à Paris, experte en alcoologie et en accompagnement de personnes touchées par l’alcoolisme, forte et bienveillante, connaissant Dieu et sa Parole.
Mon grand-papa maternel, Constant, est mort alors que j’étais adolescente, en 1982. Je l’ai vu souffrir du cancer et s’éteindre après avoir combattu. Il avait 65 ans. Il se réjouissant tant de sa retraite ! Je me souviens de mes larmes dans mon lit et de maman qui me disait qu’au moins, il n’avait plus mal. J’aimais cet homme, son regard bleu pétillant, ses rires qui lui tiraient des larmes, sa manière de s’essuyer les yeux avec la paume de ses mains.
Son départ m’ébranlait. J’avais peur de la mort et du cancer.
Son enterrement a été un moment glacial et profondément triste.
Ensuite, en 1987, ma grand-maman paternelle, Rita, a été stoppée nette à 73 ans. Son cœur n’a plus suivi ses élans de petite femme énergique. Elle était vive et vraie. Elle mettait de l’éclat dans sa maison. Avec Caroline, nous lui avons rendu visite alors qu’elle était aux soins intensifs, dans le coma, déjà sur le départ. Son corps paraissait frêle sous les draps et son visage était extrêmement pâle. Nous lui avons parlé, caressé les mains, puis nous sommes reparties en croisant notre oncle bouleversé. Caroline et moi avons passé une partie de la nuit suivante devant la télévision à manger de la glace par pot. J’avais juste 20 ans et je me sentais impuissante face à cette vie qui s’en allait. Lorsque Rita est morte, mon grand-papa Johnny m’a serrée dans les bras très fort, à me faire mal. Lui, ample et puissant, semblait désespéré, abandonné.
L’enterrement de Rita a été gris et bouleversant.
La mort tirait un trait sur une vie et laissait les vivants amputés, avec un goût de cendre et de solitude.
En automne 1992, quelques mois après la Rencontre, il y a eu un nouveau deuil. Grand-papa Johnny nous avait dit que sa gerbe était pleine et qu’il pouvait partir. Il avait 80 ans. Un jour, alors qu’il venait de boire un café dans un restaurant, il a payé, s‘est levé, a dit joyeusement « Au revoir, la compagnie ! » et il est mort, debout. Son cœur avait cessé de battre.
Grand-papa Johnny était rieur, bon vivant, généreux. C’était un homme gai et avec un bon sens de l’humour. Lorsque j’étais petite, il cachait des chocolats pour nous dans un pot sur le piano et nous allions les chercher sans que grand-maman Rita ne le remarque. Lorsqu’il faisait la sieste au carnotzet, nous venions glisser un doigt sur sa calvitie et nous disions « patinoire à mouches ». Il faisait semblant de chasser des mouches. Il nous chatouillait, nous serrait dans ses bras. J’aimais ses franches empoignades. Je me sentais aimée et avoir de la valeur à ses yeux. Après la mort de grand-maman Rita, je venais parfois dîner chez lui et il préparait un excellent couscous ou une pastascuitta à la bolognaise. Il arrivait qu’une cousine ou deux soient là aussi. C’était chouette de se retrouver et c’était aussi notre manière de l’entourer. Nous sommes neuf cousines et nous lui manifestions de l’amour, chacune comme elle le pouvait. J’aimais parler avec lui. Il partageait volontiers les expressions de sa famille comme « On dirait du veau ! » et « On est bien comme en plein air ».
J’ai pu lui raconter ce que j’avais vécu au camp. Il semblait me comprendre.
Lorsqu’il est mort, la famille a voulu qu’on puisse veiller son corps à la maison. Il a fallu un peu batailler, puis nous avons pu installer son cercueil ouvert dans sa chambre à coucher. Pendant trois jours, je suis souvent venue pour être près de lui. A un moment, je me suis retrouvée avec ma sœur et plusieurs cousines autour du cercueil. Nous avions mis des chaises en cercle et nous parlions ensemble de lui, de nos souvenirs, de la vie. Nous l’avions entre nous, comme avant. C’était doux et léger, grave et joyeux. Il avait conservé un petit sourire coquin qui lui ressemblait bien. C’est lors de cette rencontre que nous avons décidé de nous retrouver tous les ans pour un souper entre cousines. Cela a lieu encore aujourd’hui.
A l’enterrement, j’ai ressenti de la joie, de la reconnaissance. Tout était juste et bon. Une sorte d’allégresse m’habitait. C’était quelque chose de neuf. On aurait dit que l’église était remplie de jubilation. Au cimetière, devant la tombe ouverte, spontanément nous avons entonné « A toi la gloire, o ressuscité ». Ensuite, j’ai eu l’impression que nous consolions ceux qui étaient venus. J’avais la certitude que grand-papa Johnny était passé derrière le voile et que c’était merveilleux pour lui.
Ces trois jours ont désamorcé les derniers rouages de peur face à la mort.
Elle est un envol, un passage à travers une porte ouverte. L’éternité est à portée de nous. Grand-papa Johnny est dans l’amour et la joie pour toujours. Tout est bien.
Irène, ma dernière grand-maman a tout de suite compris de quoi je parlais lorsque je lui ai conté le camp de 1992. Elle avait expérimenté la puissance du Saint-Esprit depuis de nombreuses années et même au fond de sa chair. Un avortement par obéissance devant le corps médical, une dépression qui a suivi, et la voilà chez un guérisseur, pendule à la main. Dès son départ de chez cet homme, une terrible crise d’urticaire l’a recouverte de plaques rouges et de démangeaisons. Cela a duré cinq mois. Le médecin a tout tenté, même de l’autotransfusion de sang.
C’est un pasteur flamboyant, Maurice Ray, qui va la conduire vers la guérison. Il a prié pour elle. S’en est suivi une nuit de combat pour Irène, gonflée par l’urticaire, défigurée au point que sa bouche rejoignait ses oreilles. Assise sur son lit, refusant tous médicaments, elle a attendu. Elle a dit à Constant « Puisque le Christ a mis sa main sur moi, il doit me guérir. J’attends ». A cinq heures du matin, l’urticaire est partie. Et il n’est plus jamais revenu.
Avec Irène, nous pouvions parler des heures durant, passionnément, de tout. Nous étions en lien. Elle reste une inspiration pour moi aujourd’hui.
J’ai une marraine en or. Sœur Odette, 90 ans aujourd’hui, est une diaconesse de Saint-Loup, une sœur réformée. Cette femme est un enrichissement depuis ma naissance. Ses prières m’ont entourée, sa vivacité m’a entrainée, son courage m’a inspirée et sa foi m’a nourrie. Elle rayonne de sagesse et de simplicité, avec humour et humanité. Elle est humble et exemplaire, dense et généreuse,. Nos discussions sont passionnées et profondes, explorant l’humanité autant que le Ciel. C’est très encourageant de pouvoir partager avec une femme qui a tant d’expériences, sachant se mettre au service des autres, en particulier de gens dans le besoin autour d’elle comme de sans-abris à Paris, experte en alcoologie et en accompagnement de personnes touchées par l’alcoolisme, forte et bienveillante, connaissant Dieu et sa Parole.