25. L’épée de Damoclès
9 novembre 1997
« Discrète myopathie inflammatoire, compatible avec une polymyosite »
Ça y est, le diagnostic est tombé. En réalité, ils ont trouvé « quelques rares fibres de nécrose et quelques rares petites foyers inflammatoires ».
Polymyosite, nouveau mot, inconnu, que je dois apprivoiser.
Un des spécialistes m’a expliqué qu’une polymyosite était une maladie auto-immune. Mon système immunitaire attaquait mes propres muscles. C’était une maladie évolutive, incurable et mortelle. Lors de trop grandes souffrances, on utilisait de la cortisone.
Je ne devais pas être enceinte parce que cela risquait d’accélérer la maladie.
Voilà, je me suis retrouvée avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
12 novembre 1997
En fait, mon attitude pleine de paix, de recherche de lumière et de renvoi d’Amour est une manifestation de l’Espérance. Oui, peu de mots, juste pour désigner la Source. C’est tout.
22 décembre 1997
« Il dansera pour toi avec des cris de joie »
Oh, joie qui coure dans mes veines !
« Ni la mort, ni la vie… ni le présent, ni l’avenir, ni hauteur, ni profondeur… rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu »
Ecclésiaste 9 :7-9 : Mange, bois et jouis de la vie. Alléluia !
Soleil dehors et dedans. Une joie immense danse la farandole.
17 janvier 1998
Selon la bande dessinée « Le joueur de flûte ».
« Seigneur, lave mes yeux, qu’ils ne s’ouvrent que pour s’émerveiller,
Que mes oreilles s’ouvrent à ton silence, en elles la musique et la joie,
Que par mes lèvres ne passent plus une parole qui salit ou déchire, qu’elles appellent au bonheur, qu’elles chantent ta beauté,
Que mes mains soient pour toi, qu’elles ne se souviennent plus des lieux où elles se sont écorchées sinon pour te bénir,
Guéris mon intelligence blessée par trop d’erreurs, qu’elle soit au service du bien,
Donne-moi ce souffle sans lequel je ne peux pas vivre ; l’Esprit Saint »
Prière d’hier :
Apprends-nous à être des reflets de ton amour pour ceux qui nous entourent, à accomplir ce qui est beau et bien à tes yeux.
Lecture dans Luc « Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé devant tous les peuples »
Préambule de la lecture d’aujourd’hui dans Genèse : Yeux, regard, gestes
Hier, Jean-Bernard Livio a parlé de la 1ère épître de Jean. Deux verbes ressortent : marcher et voir.
L’interrogation s’est posée comme dans un éclairage direct. Qu’est-ce que mes yeux permettent de voir ? Qu’est-ce que j’en fais ? Et mes mains ? Ce désir si fort de percevoir un peu de ce que Tu vois. Je me prends à rêver, à me dire qu’avec un tel regard, je peux enfin aimer tout le monde, ne plus sentir en moi ces rejets, ces réflexions mesquines, ces jalousies, ces jugements qui me blessent tellement moi-même. Aimer l’autre. Quel bonheur ce serait, quelle paix ! J’aspire tellement fort à cela. Augmenter la lumière.
Depuis plus de deux mois je n’ai plus eu d’examens, ni de nouvelles, alors, ce sentiment d’urgence de bien vivre s’atténue déjà. Aide-moi à rester consciente de l’entretien de la beauté dans notre couple.
Tout aimer, tout partager, tout donner comme si on va mourir demain.
Donner et se donner. « Pétant de résurrection ! » comme disait Jean-Bernard.
Si on remplit un récipient de lumière, il n’y a plus de place pour les ténèbres.
Tous ces mots, ces images qui reviennent, se répètent et forment un collier de vie !
Donc, penser régulièrement à laver mes yeux du cœur, mes mains, mes mots, les mettre sous Ta bénédiction.
Donc, me donner sans limites, ne rien engranger (à quoi bon ?).
Et chaque matin Te louer pour tout ce que Tu m’offres et tout ce que Tu donnes aux autres.
25 février 1998
Au ciné, nous sommes allés voir le dernier film avec Jack Nicholson, Pour le meilleur et pour le pire. Un personnage dit « A regarder quelqu’un au fond de lui, on perçoit sa lumière, alors, stop ! c’est là ! »
Dans le journal, Jean Ziegler dit « Il est évident que nous portons l’éternité et l’infini en nous. La force qui se révèle en nous quand nous aimons dépasse de très loin la condition humaine. Nous sommes dépositaires d’une petite lumière qui doit faire partie d’une immense lumière ».
Que j’aime déceler ces traces de toi, Seigneur.
Hier, j’ai appris qu’il y aura un remaniement de notre équipe à la Cassagne. Je ne sais pas où je vais me retrouver.
Hier, Christine de la Main tendue m’a proposé de faire partie du comité de rédaction du magazine Itinéraires.
Aujourd’hui, je viens d’apprendre que mes taux d’enzymes sont descendus à 1190.
Que se passe-t-il ?
En plus, il fait beau, bon et les fleurs allument le jardin.
3 mars 1998
Arnaud est né ! Michaël est papa.
20 mars 1998
Un printemps débridé, à pleine gorge, impudique, sans retenue. Je me remplis les yeux de ces éclats roses, blancs, jaunes. C’est comme si je ne les regarde pas assez, je suis sans cesse surprise par ces ébouriffées, là, soudain, dans mes yeux.
J’ai peur que ça passe trop vite. J’ai besoin de faire le plein de nature.
Bientôt Pâques.
Je me sens en manque de Toi et je me réjouis de cet espace avec Toi.
J’ai vu Arnaud dans les mains de Michaël. La vie en commencement, c’est grave, fragile et tendre.
Des remous dans mon ventre, entre la peur du changement et des responsabilités, de l’intrusion dans notre couple, le désir si fort d’un enfant de nous, d’une vie nourrie, passée plus loin, le goût étrange d’une éventuelle impossibilité d’enfanter… des remous dans mon cœur, dans ma tête.
25 mars 1998
Tout à l’heure, sous un ciel criant de bleu, en levant le visage vers une masse de fleurs blanches, j’ai pensé que j’ai 31 ans et que je suis toujours vivante. Je m’en étonne, comme de mon histoire d’amour avec Fabian, du fait d’être mariée, de ma vie d’aujourd’hui.
Longtemps sur rails, projets, programmes, j’ai suivi mon chemin, fait, chaque pas programmé. Et soudain, les choses se passent sans être prévues, me surprenant.
Que sera demain pour moi ?
Des médecins m’ont parlé d’une échéance de vie entre 1 et 10 ans. La mort était proche et je suis là. Qu’est-ce qui m’attend ? Vais-je mourir jeune ? Aurons-nous des enfants ?
Il y a des plages d’attentes entre deux analyses de sang. Comment les habiter au mieux ? Comment les vivre en richesse et beauté ?
27 avril 1998
Hier, au culte, comme un flash m’est venue cette affirmation : Fabian rencontrera Dieu lorsqu’il sera père.
Ses mains sur mon ventre, les yeux brillants « On fait un bébé ? »
Plusieurs personnes nous ont demandé « Bientôt des enfants ? »
Moi, j’attends l’analyse de juin.
1er août 1998
Quand je vois la plénitude des moments de créativité, je désire plus y mêler de Toi. Que tu habites mes mots, mes touches de peinture, mes pétales collés. Entre, jusque dans mon souffle. Alors ma vie sera toute à Toi.
Ma quête du beau, du bon, du mieux, de la lumière est moins une fuite du mal qu’un élan vers Toi. Je crois que là est mon bonheur. Déceler ton sourire dans les frissons du monde. Chercher la trace de Tes pas sur la terre ou le sable des vies, capter l’éclat de ton humour dans le regard de l’autre. Déceler tes caresses dans les gestes de chacun.
Oh, Dieu, c’est là ma vocation : chercheuse de Toi, chercheuse d’amour, exploratrice de Ta divinité dans l’humanité et dans Ta création.
Que je sois ravie, ébaubie, éblouie, figée, ébranlée devant Ta beauté et Ta bonté. Que Ton amour me subjugue plus que tout.
Qu’il est doux de vive et d’apprendre peu à peu à Te connaitre. Merci Père !
Enchante-moi et je chanterai.
Eveille mes dons et fais qu’ils s’étirent pour Ta gloire.
15 octobre 1998
Cela fait deux ans bientôt que ces histoires de substances dans le sang durent. J’en ai marre. De plus, le fait de, peut-être, ne pas pouvoir avoir d’enfants, éventuellement, on ne sait jamais… m’agace. Il faut attendre, me dit-on. C’est long et rien ne se passe.
Oh, si, Seigneur, je sais bien que beaucoup de choses se passent.
Mais j’ai peur, ces temps, d’avoir quelque chose de peu grave si on le soigne à temps et que cela dégénère car pris en charge trop tard. Donc, je veux changer de médecin. Guide-moi, s’il Te plait. Qui, où ?
20 octobre 1998
Balade en forêt.
La dentelle d’une fougère, sa caresse. Paix.
Chaque pas est un cadeau. Juste être là, sans projet, goûter.
Je hume un parfum douçâtre de fruits passés.
Un insecte sur ma joue.
De la terre sèche sur le bas de mon pantalon.
Bouquet de branches vertes, toutes minces, en louanges.
Ne penser à rien. Juste regarder, sentir, vivre.
Seigneur, je veux être dans ta lumière et danser.
La forêt étire son tapis roux pour m’accueillir. Que ma mort soit pareil. Je T’offre tout, mes fardeaux, mes éclats de rire et chaque respiration.
Trop parler de mes enzymes, ressasser, n’est pas bon pour moi.
Dimanche, je me sentais un peu écrasée par tout cela. De plus, Fabian, Myriam, Joëlle me pressent, me poussent à agir.
Bien, la secousse d’il y a trois semaines m’a mise en branle. Elles sont remontées à 2000, mes CK. Et pas d’enfant à envisager pour l’instant.
D’un coup, le Professeur Déonna s’est éclairé dans ma mémoire. C’est le médecin qui collabore avec la Cassagne.
Mais on me presse d’agir et je dois me débattre avec des sentiments contradictoires de mort, de faire passer, la vie, de maladie et de bien-être, de questions sans réponse… C’est lourd.
Dimanche, Guy Chautems a parlé des fardeaux. Laisse Dieu porter ces fardeaux.
Si je porte, Il ne peut pas les porter ! C’est tellement logique !
Guy a parlé du point d’appui, loin ou près du problème ou de soi.
Il faut s’éloigner du problème, le remettre à Dieu et avec Sa grâce, il devient plus léger.
Eh bien, me voilà requinquée !
21 octobre 1998
Ce matin, j’ai reçu une lettre de Gérard-Marie. Il m’écrit des merveilles « Epreuve qui t’a permise, au milieu de la joie de la vie conjugale, de te donner la ponctualité de dire un oui nouveau, pur à Celui qui t’aime immensément : Dieu Amour ».
Dans la prière que j’ai envoyé à la revue Itinéraires, j’avais écrit « Te dire à nouveau oui ».
Plus loin, il écrit : « Merci pour tout et sois comme Marie « transparente » de telle manière qu’à travers toi, ce soit Lui, Dieu Amour, que nous rencontrons. »
Transparente… Mais oui, c’est cela !
12 novembre 1998
J’ai enfin parlé avec le Dr Déonna hier. Il va parler de moi avec le Professeur Kunser, un neurologue et spécialiste des muscles. A suivre…
Le weekend dernier, c’était les 30 ans de Hallel. Emotions, temps qui passe, retrouvailles et de 2h à 3h du matin, enfin un moment de partage sur Toi avec Daniel l’ex-pianiste, Caroline et moi. Complicité.
Houle douloureuse avec Fabian hier soir. Après son doctorat, il désire un travail de conseiller en économie. Cela veut dire peut-être qu’on s’établira à Zürich ou qu’il s’absentera la semaine et sera à la maison le weekend. Boule dans la gorge.
Je ne peux que le conseiller de s’écouter en profondeur, de se respecter dans ses désirs existentiels. Me comprend-il ? Je lui demande de tendre l’oreille vers Dieu, d’observer Ses signes. Je dois lui faire confiance. Comme c’est difficile !
« Discrète myopathie inflammatoire, compatible avec une polymyosite »
Ça y est, le diagnostic est tombé. En réalité, ils ont trouvé « quelques rares fibres de nécrose et quelques rares petites foyers inflammatoires ».
Polymyosite, nouveau mot, inconnu, que je dois apprivoiser.
Un des spécialistes m’a expliqué qu’une polymyosite était une maladie auto-immune. Mon système immunitaire attaquait mes propres muscles. C’était une maladie évolutive, incurable et mortelle. Lors de trop grandes souffrances, on utilisait de la cortisone.
Je ne devais pas être enceinte parce que cela risquait d’accélérer la maladie.
Voilà, je me suis retrouvée avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
12 novembre 1997
En fait, mon attitude pleine de paix, de recherche de lumière et de renvoi d’Amour est une manifestation de l’Espérance. Oui, peu de mots, juste pour désigner la Source. C’est tout.
22 décembre 1997
« Il dansera pour toi avec des cris de joie »
Oh, joie qui coure dans mes veines !
« Ni la mort, ni la vie… ni le présent, ni l’avenir, ni hauteur, ni profondeur… rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu »
Ecclésiaste 9 :7-9 : Mange, bois et jouis de la vie. Alléluia !
Soleil dehors et dedans. Une joie immense danse la farandole.
17 janvier 1998
Selon la bande dessinée « Le joueur de flûte ».
« Seigneur, lave mes yeux, qu’ils ne s’ouvrent que pour s’émerveiller,
Que mes oreilles s’ouvrent à ton silence, en elles la musique et la joie,
Que par mes lèvres ne passent plus une parole qui salit ou déchire, qu’elles appellent au bonheur, qu’elles chantent ta beauté,
Que mes mains soient pour toi, qu’elles ne se souviennent plus des lieux où elles se sont écorchées sinon pour te bénir,
Guéris mon intelligence blessée par trop d’erreurs, qu’elle soit au service du bien,
Donne-moi ce souffle sans lequel je ne peux pas vivre ; l’Esprit Saint »
Prière d’hier :
Apprends-nous à être des reflets de ton amour pour ceux qui nous entourent, à accomplir ce qui est beau et bien à tes yeux.
Lecture dans Luc « Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé devant tous les peuples »
Préambule de la lecture d’aujourd’hui dans Genèse : Yeux, regard, gestes
Hier, Jean-Bernard Livio a parlé de la 1ère épître de Jean. Deux verbes ressortent : marcher et voir.
L’interrogation s’est posée comme dans un éclairage direct. Qu’est-ce que mes yeux permettent de voir ? Qu’est-ce que j’en fais ? Et mes mains ? Ce désir si fort de percevoir un peu de ce que Tu vois. Je me prends à rêver, à me dire qu’avec un tel regard, je peux enfin aimer tout le monde, ne plus sentir en moi ces rejets, ces réflexions mesquines, ces jalousies, ces jugements qui me blessent tellement moi-même. Aimer l’autre. Quel bonheur ce serait, quelle paix ! J’aspire tellement fort à cela. Augmenter la lumière.
Depuis plus de deux mois je n’ai plus eu d’examens, ni de nouvelles, alors, ce sentiment d’urgence de bien vivre s’atténue déjà. Aide-moi à rester consciente de l’entretien de la beauté dans notre couple.
Tout aimer, tout partager, tout donner comme si on va mourir demain.
Donner et se donner. « Pétant de résurrection ! » comme disait Jean-Bernard.
Si on remplit un récipient de lumière, il n’y a plus de place pour les ténèbres.
Tous ces mots, ces images qui reviennent, se répètent et forment un collier de vie !
Donc, penser régulièrement à laver mes yeux du cœur, mes mains, mes mots, les mettre sous Ta bénédiction.
Donc, me donner sans limites, ne rien engranger (à quoi bon ?).
Et chaque matin Te louer pour tout ce que Tu m’offres et tout ce que Tu donnes aux autres.
25 février 1998
Au ciné, nous sommes allés voir le dernier film avec Jack Nicholson, Pour le meilleur et pour le pire. Un personnage dit « A regarder quelqu’un au fond de lui, on perçoit sa lumière, alors, stop ! c’est là ! »
Dans le journal, Jean Ziegler dit « Il est évident que nous portons l’éternité et l’infini en nous. La force qui se révèle en nous quand nous aimons dépasse de très loin la condition humaine. Nous sommes dépositaires d’une petite lumière qui doit faire partie d’une immense lumière ».
Que j’aime déceler ces traces de toi, Seigneur.
Hier, j’ai appris qu’il y aura un remaniement de notre équipe à la Cassagne. Je ne sais pas où je vais me retrouver.
Hier, Christine de la Main tendue m’a proposé de faire partie du comité de rédaction du magazine Itinéraires.
Aujourd’hui, je viens d’apprendre que mes taux d’enzymes sont descendus à 1190.
Que se passe-t-il ?
En plus, il fait beau, bon et les fleurs allument le jardin.
3 mars 1998
Arnaud est né ! Michaël est papa.
20 mars 1998
Un printemps débridé, à pleine gorge, impudique, sans retenue. Je me remplis les yeux de ces éclats roses, blancs, jaunes. C’est comme si je ne les regarde pas assez, je suis sans cesse surprise par ces ébouriffées, là, soudain, dans mes yeux.
J’ai peur que ça passe trop vite. J’ai besoin de faire le plein de nature.
Bientôt Pâques.
Je me sens en manque de Toi et je me réjouis de cet espace avec Toi.
J’ai vu Arnaud dans les mains de Michaël. La vie en commencement, c’est grave, fragile et tendre.
Des remous dans mon ventre, entre la peur du changement et des responsabilités, de l’intrusion dans notre couple, le désir si fort d’un enfant de nous, d’une vie nourrie, passée plus loin, le goût étrange d’une éventuelle impossibilité d’enfanter… des remous dans mon cœur, dans ma tête.
25 mars 1998
Tout à l’heure, sous un ciel criant de bleu, en levant le visage vers une masse de fleurs blanches, j’ai pensé que j’ai 31 ans et que je suis toujours vivante. Je m’en étonne, comme de mon histoire d’amour avec Fabian, du fait d’être mariée, de ma vie d’aujourd’hui.
Longtemps sur rails, projets, programmes, j’ai suivi mon chemin, fait, chaque pas programmé. Et soudain, les choses se passent sans être prévues, me surprenant.
Que sera demain pour moi ?
Des médecins m’ont parlé d’une échéance de vie entre 1 et 10 ans. La mort était proche et je suis là. Qu’est-ce qui m’attend ? Vais-je mourir jeune ? Aurons-nous des enfants ?
Il y a des plages d’attentes entre deux analyses de sang. Comment les habiter au mieux ? Comment les vivre en richesse et beauté ?
27 avril 1998
Hier, au culte, comme un flash m’est venue cette affirmation : Fabian rencontrera Dieu lorsqu’il sera père.
Ses mains sur mon ventre, les yeux brillants « On fait un bébé ? »
Plusieurs personnes nous ont demandé « Bientôt des enfants ? »
Moi, j’attends l’analyse de juin.
1er août 1998
Quand je vois la plénitude des moments de créativité, je désire plus y mêler de Toi. Que tu habites mes mots, mes touches de peinture, mes pétales collés. Entre, jusque dans mon souffle. Alors ma vie sera toute à Toi.
Ma quête du beau, du bon, du mieux, de la lumière est moins une fuite du mal qu’un élan vers Toi. Je crois que là est mon bonheur. Déceler ton sourire dans les frissons du monde. Chercher la trace de Tes pas sur la terre ou le sable des vies, capter l’éclat de ton humour dans le regard de l’autre. Déceler tes caresses dans les gestes de chacun.
Oh, Dieu, c’est là ma vocation : chercheuse de Toi, chercheuse d’amour, exploratrice de Ta divinité dans l’humanité et dans Ta création.
Que je sois ravie, ébaubie, éblouie, figée, ébranlée devant Ta beauté et Ta bonté. Que Ton amour me subjugue plus que tout.
Qu’il est doux de vive et d’apprendre peu à peu à Te connaitre. Merci Père !
Enchante-moi et je chanterai.
Eveille mes dons et fais qu’ils s’étirent pour Ta gloire.
15 octobre 1998
Cela fait deux ans bientôt que ces histoires de substances dans le sang durent. J’en ai marre. De plus, le fait de, peut-être, ne pas pouvoir avoir d’enfants, éventuellement, on ne sait jamais… m’agace. Il faut attendre, me dit-on. C’est long et rien ne se passe.
Oh, si, Seigneur, je sais bien que beaucoup de choses se passent.
Mais j’ai peur, ces temps, d’avoir quelque chose de peu grave si on le soigne à temps et que cela dégénère car pris en charge trop tard. Donc, je veux changer de médecin. Guide-moi, s’il Te plait. Qui, où ?
20 octobre 1998
Balade en forêt.
La dentelle d’une fougère, sa caresse. Paix.
Chaque pas est un cadeau. Juste être là, sans projet, goûter.
Je hume un parfum douçâtre de fruits passés.
Un insecte sur ma joue.
De la terre sèche sur le bas de mon pantalon.
Bouquet de branches vertes, toutes minces, en louanges.
Ne penser à rien. Juste regarder, sentir, vivre.
Seigneur, je veux être dans ta lumière et danser.
La forêt étire son tapis roux pour m’accueillir. Que ma mort soit pareil. Je T’offre tout, mes fardeaux, mes éclats de rire et chaque respiration.
Trop parler de mes enzymes, ressasser, n’est pas bon pour moi.
Dimanche, je me sentais un peu écrasée par tout cela. De plus, Fabian, Myriam, Joëlle me pressent, me poussent à agir.
Bien, la secousse d’il y a trois semaines m’a mise en branle. Elles sont remontées à 2000, mes CK. Et pas d’enfant à envisager pour l’instant.
D’un coup, le Professeur Déonna s’est éclairé dans ma mémoire. C’est le médecin qui collabore avec la Cassagne.
Mais on me presse d’agir et je dois me débattre avec des sentiments contradictoires de mort, de faire passer, la vie, de maladie et de bien-être, de questions sans réponse… C’est lourd.
Dimanche, Guy Chautems a parlé des fardeaux. Laisse Dieu porter ces fardeaux.
Si je porte, Il ne peut pas les porter ! C’est tellement logique !
Guy a parlé du point d’appui, loin ou près du problème ou de soi.
Il faut s’éloigner du problème, le remettre à Dieu et avec Sa grâce, il devient plus léger.
Eh bien, me voilà requinquée !
21 octobre 1998
Ce matin, j’ai reçu une lettre de Gérard-Marie. Il m’écrit des merveilles « Epreuve qui t’a permise, au milieu de la joie de la vie conjugale, de te donner la ponctualité de dire un oui nouveau, pur à Celui qui t’aime immensément : Dieu Amour ».
Dans la prière que j’ai envoyé à la revue Itinéraires, j’avais écrit « Te dire à nouveau oui ».
Plus loin, il écrit : « Merci pour tout et sois comme Marie « transparente » de telle manière qu’à travers toi, ce soit Lui, Dieu Amour, que nous rencontrons. »
Transparente… Mais oui, c’est cela !
12 novembre 1998
J’ai enfin parlé avec le Dr Déonna hier. Il va parler de moi avec le Professeur Kunser, un neurologue et spécialiste des muscles. A suivre…
Le weekend dernier, c’était les 30 ans de Hallel. Emotions, temps qui passe, retrouvailles et de 2h à 3h du matin, enfin un moment de partage sur Toi avec Daniel l’ex-pianiste, Caroline et moi. Complicité.
Houle douloureuse avec Fabian hier soir. Après son doctorat, il désire un travail de conseiller en économie. Cela veut dire peut-être qu’on s’établira à Zürich ou qu’il s’absentera la semaine et sera à la maison le weekend. Boule dans la gorge.
Je ne peux que le conseiller de s’écouter en profondeur, de se respecter dans ses désirs existentiels. Me comprend-il ? Je lui demande de tendre l’oreille vers Dieu, d’observer Ses signes. Je dois lui faire confiance. Comme c’est difficile !