26. L’éclat d’une plume
14 novembre 1998
Je suis au Louverain depuis hier soir et jusqu’à demain. J’ai eu le désir de mettre les mots, mes mots en forme de nouvelles. Je suis un cours d’écriture.
Chez mon dentiste, il y a des revues chrétiennes dans la salle d’attente. Dans l’une d’elles, j’y ai lu « La mort est aujourd’hui devant moi comme le désir qu’a un homme de revoir sa maison après avoir passé de nombreuses années en exil ».
16 novembre 1998
Un bonheur inouï d’écrire, une joie profonde et quelque chose de neuf est né ce weekend !
Samedi, après une première nouvelle écrite très rapidement, j’en ai écrit une autre de huit pages ! C’était fou ! Une vague idée au départ, puis un homme s’impose, palpable, vivant. L’histoire se déroule sans moi. C’est comme si je raconte quelque chose que j’entends, pire, comme si ma main ne m’appartient plus, qu’il y a un fil secret entre ma pensée inconsciente et ma plume. Rebondissements, émotions, je vois un morceau de vie prendre corps, je suis témoin. Que c’est bon ce tête-à-tête long ! Des heures, plongée dans les replis d’une vie.
Retour euphorique. Sur l’autoroute entre Yverdon et Lausanne, j’ai vécu de belles minutes d’extase. Des nuages par milliers, bas, fins et gris ou blancs et lointains, épais ou transparents. Une trouée rouge. Déchirure d’un papier cadeau par des doigts impatients. Des éclaboussures chaudes. Une campagne douce sous un ciel fou.
J’ai crié, loué, chanté. J’étais infiniment heureuse.
Et j’ai entendu « Laisse Fabian vivre sa vie et vis la tienne »
Alors j’ai vraiment lâché, et ma peur et mes préoccupations sont tombées.
24 novembre 1998
« Stéphanie, j’ai raté mon dernier bateau ». F., sa douleur, sa peur, son désir de mort.
F. était une femme avec qui j’avais travaillé. Elle m’avait fait le récit de sa vie. Elle avait eu une enfance douloureuse. Lorsque ses parents ont divorcé, aucun d’eux n’a voulu d’elle. Elle est allée vivre chez ses grands-parents. Quand ses grands-parents sont morts, elle n’a pas eu le droit de venir à l’enterrement. Elle est ensuite allée vivre chez son père. La relation à sa mère a été difficile jusqu’au bout. Son compagnon de nombreuses années s’est lassé d’attendre qu’elle soit prête à avoir un enfant avec lui. Elle n’arrivait pas à se voir en tant que mère. Pour finir, ils se sont séparés. Il a rencontré une autre femme, ils se sont mariés et ils ont eu un enfant. F. avait l’impression de vivre dans un désert. Elle a glissé dans la dépression. Elle aimait aller se baigner dans le lac presque tous les jours de l’année. Lorsqu’elle m’a parlé de son désir de mourir, elle s’imaginait nager le plus loin possible, puis cesser de nager et se laisser couler. Elle avait à peine 40 ans.
25 novembre 1998
Elle est vivante !
10 décembre 1998
D’abord dire le coup de fil de F. de la clinique. Ses questions spirituelles, ses craintes, ses tentations d’aller voir une voyante… Dépression.
J’ai parlé, rassuré, témoigné.
Ensuite, le téléphone posé, j’ai senti une supplication monter en moi et je suis tombée à genoux. « Seigneur, libère-la, réponds-lui, guéris-la ». J’ai commencé à me sentir mal, l’air devenait trouble dans le salon, comme envahi. J’ai eu peur et j’ai prié à haute voix. J’étais en sueur, le corps tremblant. Les oreilles sonnaient. Puis, peu à peu ça s’est calmé et j’ai demandé à Dieu de bénir ce lieu. Je crois que j’ai vécu une attaque. J’ai dû lutter. Pourquoi ? Le mal veut-il tant garder Françoise ? Seigneur, tout cela me dépasse, aide-moi.
Parfois, lorsque je parle avec Fabian de son futur travail, de notre lieu d’habitation, de notre avenir, j’ai des pans de larmes qui glissent en moi. L’idée de quitter… Quitter les gens que j’aime, la paroisse, le groupe de prière, le comité d’Itinéraires, la Main Tendue, ce quartier, cette maison me provoque un chagrin bien plus grand que je n’imaginais. Ça me fait mal !
Seigneur, si c’est pour Toi et pour Ta gloire, si c’est selon Ton désir, alors j’irai.
Mais dis-le-moi !
Je suis impuissante. Comme pour mon corps. Je dois juste être et prier.
15 décembre 1998
Je suis tendue et préoccupée ces temps (avenir, travail, Fabian, lieu, santé, F., Cassagne).
Hier, Michaël a été emprisonné. Michaël, l’homme le plus doux que je connaisse, en prison ! Il va y passer trois jours pour refus de service. Et avec pour toute lecture le manuel du soldat et le règlement militaire. Et une Bible ? Je l’espère. Seigneur, merci car Tu es près de lui.
18 décembre 1998
Clins Dieu : des fenêtres et des portes ouvertes. Hier, j’ai commencé une carte pour Michaël avec des portes en fer dans lesquelles j’en ai taillé une qui ouvre sur la liberté.
Puis, à Itinéraires, j’ai aimé la couverture du nouveau live de Philippe Zeissig « Habiter sa vie » avec une fenêtre ouverte. Puis Marie-Luce a montré la fourre de son nouveau livre : deux fenêtres ouvertes.
Et aujourd’hui, je lis le texte d’hier dans le « Chemin d’Avent » et il y a la photo magnifique…d’une fenêtre ouverte.
Je peux parler de mon weekend à Crêt-Bérard d’où je suis sortie libérée. Mes forces vives, mes perles et mes rocs, dons de Dieu, ont été nommés. Merci Seigneur car j’ai la conviction qu’où que je sois, comme que je sois, je suis riche de cela. Donc, tout est possible. Bien sûr, j’ai des non-envies, des peurs, des fatigues, des deuils, mais rien n’ôtera cela de moi, rien ne me séparera du Seigneur ; en tout cas rien ne Le séparera de moi. Que je m’en souvienne au long de ma vie !
Ma décision est prise. Je vais démissionner.
Je suis au Louverain depuis hier soir et jusqu’à demain. J’ai eu le désir de mettre les mots, mes mots en forme de nouvelles. Je suis un cours d’écriture.
Chez mon dentiste, il y a des revues chrétiennes dans la salle d’attente. Dans l’une d’elles, j’y ai lu « La mort est aujourd’hui devant moi comme le désir qu’a un homme de revoir sa maison après avoir passé de nombreuses années en exil ».
16 novembre 1998
Un bonheur inouï d’écrire, une joie profonde et quelque chose de neuf est né ce weekend !
Samedi, après une première nouvelle écrite très rapidement, j’en ai écrit une autre de huit pages ! C’était fou ! Une vague idée au départ, puis un homme s’impose, palpable, vivant. L’histoire se déroule sans moi. C’est comme si je raconte quelque chose que j’entends, pire, comme si ma main ne m’appartient plus, qu’il y a un fil secret entre ma pensée inconsciente et ma plume. Rebondissements, émotions, je vois un morceau de vie prendre corps, je suis témoin. Que c’est bon ce tête-à-tête long ! Des heures, plongée dans les replis d’une vie.
Retour euphorique. Sur l’autoroute entre Yverdon et Lausanne, j’ai vécu de belles minutes d’extase. Des nuages par milliers, bas, fins et gris ou blancs et lointains, épais ou transparents. Une trouée rouge. Déchirure d’un papier cadeau par des doigts impatients. Des éclaboussures chaudes. Une campagne douce sous un ciel fou.
J’ai crié, loué, chanté. J’étais infiniment heureuse.
Et j’ai entendu « Laisse Fabian vivre sa vie et vis la tienne »
Alors j’ai vraiment lâché, et ma peur et mes préoccupations sont tombées.
24 novembre 1998
« Stéphanie, j’ai raté mon dernier bateau ». F., sa douleur, sa peur, son désir de mort.
F. était une femme avec qui j’avais travaillé. Elle m’avait fait le récit de sa vie. Elle avait eu une enfance douloureuse. Lorsque ses parents ont divorcé, aucun d’eux n’a voulu d’elle. Elle est allée vivre chez ses grands-parents. Quand ses grands-parents sont morts, elle n’a pas eu le droit de venir à l’enterrement. Elle est ensuite allée vivre chez son père. La relation à sa mère a été difficile jusqu’au bout. Son compagnon de nombreuses années s’est lassé d’attendre qu’elle soit prête à avoir un enfant avec lui. Elle n’arrivait pas à se voir en tant que mère. Pour finir, ils se sont séparés. Il a rencontré une autre femme, ils se sont mariés et ils ont eu un enfant. F. avait l’impression de vivre dans un désert. Elle a glissé dans la dépression. Elle aimait aller se baigner dans le lac presque tous les jours de l’année. Lorsqu’elle m’a parlé de son désir de mourir, elle s’imaginait nager le plus loin possible, puis cesser de nager et se laisser couler. Elle avait à peine 40 ans.
25 novembre 1998
Elle est vivante !
10 décembre 1998
D’abord dire le coup de fil de F. de la clinique. Ses questions spirituelles, ses craintes, ses tentations d’aller voir une voyante… Dépression.
J’ai parlé, rassuré, témoigné.
Ensuite, le téléphone posé, j’ai senti une supplication monter en moi et je suis tombée à genoux. « Seigneur, libère-la, réponds-lui, guéris-la ». J’ai commencé à me sentir mal, l’air devenait trouble dans le salon, comme envahi. J’ai eu peur et j’ai prié à haute voix. J’étais en sueur, le corps tremblant. Les oreilles sonnaient. Puis, peu à peu ça s’est calmé et j’ai demandé à Dieu de bénir ce lieu. Je crois que j’ai vécu une attaque. J’ai dû lutter. Pourquoi ? Le mal veut-il tant garder Françoise ? Seigneur, tout cela me dépasse, aide-moi.
Parfois, lorsque je parle avec Fabian de son futur travail, de notre lieu d’habitation, de notre avenir, j’ai des pans de larmes qui glissent en moi. L’idée de quitter… Quitter les gens que j’aime, la paroisse, le groupe de prière, le comité d’Itinéraires, la Main Tendue, ce quartier, cette maison me provoque un chagrin bien plus grand que je n’imaginais. Ça me fait mal !
Seigneur, si c’est pour Toi et pour Ta gloire, si c’est selon Ton désir, alors j’irai.
Mais dis-le-moi !
Je suis impuissante. Comme pour mon corps. Je dois juste être et prier.
15 décembre 1998
Je suis tendue et préoccupée ces temps (avenir, travail, Fabian, lieu, santé, F., Cassagne).
Hier, Michaël a été emprisonné. Michaël, l’homme le plus doux que je connaisse, en prison ! Il va y passer trois jours pour refus de service. Et avec pour toute lecture le manuel du soldat et le règlement militaire. Et une Bible ? Je l’espère. Seigneur, merci car Tu es près de lui.
18 décembre 1998
Clins Dieu : des fenêtres et des portes ouvertes. Hier, j’ai commencé une carte pour Michaël avec des portes en fer dans lesquelles j’en ai taillé une qui ouvre sur la liberté.
Puis, à Itinéraires, j’ai aimé la couverture du nouveau live de Philippe Zeissig « Habiter sa vie » avec une fenêtre ouverte. Puis Marie-Luce a montré la fourre de son nouveau livre : deux fenêtres ouvertes.
Et aujourd’hui, je lis le texte d’hier dans le « Chemin d’Avent » et il y a la photo magnifique…d’une fenêtre ouverte.
Je peux parler de mon weekend à Crêt-Bérard d’où je suis sortie libérée. Mes forces vives, mes perles et mes rocs, dons de Dieu, ont été nommés. Merci Seigneur car j’ai la conviction qu’où que je sois, comme que je sois, je suis riche de cela. Donc, tout est possible. Bien sûr, j’ai des non-envies, des peurs, des fatigues, des deuils, mais rien n’ôtera cela de moi, rien ne me séparera du Seigneur ; en tout cas rien ne Le séparera de moi. Que je m’en souvienne au long de ma vie !
Ma décision est prise. Je vais démissionner.