Éducatrice spécialisée HES-SO, coach membre de SECA, enseignante, auteure, peintre

Pour une enfance sans violences sexuelles

Jeune éducatrice, j’ai emmené un groupe d’enfants visiter une foire. En nous y baladant, nous sommes tombés sur un stand qui faisait de la prévention des violences sexuelles. J’ai proposé aux enfants d’entrer dans une petite pièce et nous avons regardé une vidéo qui montrait clairement, mais de manière adaptée, des adultes ayant des gestes inappropriés envers des enfants.
Sur le chemin du retour, j’ai dit aux enfants : « Si quelqu’un a des gestes comme cela avec vous, parlez-en à vos parents. Et si c’est un de vos parents, parlez-en avec nous ».
Le soir, quand les enfants étaient couchés, une petite fille est venue frapper à la porte du bureau et m’a murmuré : « Papa me fait ça ».
 
Depuis, au fil des années, dans mon métier de travailleuse sociale comme dans ma vie privée, j’ai entendu de nombreux témoignages d’enfants, d’ados et d’adultes concernant des violences sexuelles actuelles ou passées. J’ai dénoncé, témoigné à la police, communiqué avec des auteurs et accompagné des victimes.
J’ai vu combien une vie peut rester marquée par ce traumatisme. Les violences sexuelles impactent notre développement, notre image de soi, notre relation aux autres, notre sexualité, notre vie de couple (si nous arrivons à l’envisager), notre relation au Père…
 
Dans la Bible, Dieu nous dit que la sexualité est bonne. On y lit que Dieu bénit l’homme et la femme et leur dit de se multiplier. C’est une belle histoire entre adultes consentants.
Malheureusement, il existe des adultes malveillants qui se permettent de prendre du plaisir au détriment d’enfants. La plupart des agresseurs sont des hommes, proches de l’enfant : père, grand-père, grand frère, beau-père, voisin, prof de sport… Mais il existe aussi quelques femmes qui violent des enfants.
 
1 enfant sur 10 serait victime d’inceste, selon des statistiques difficiles à établir vu la puissance du tabou. En France, on parle de 2 à 3 enfants, par classe à l’école,  violentés dans le cadre familial. Concernant les violences sexuelles en général, ce sont 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 10 qui témoignent. Il faut lire ces chiffres en sachant qu’énormément de victimes ne parlent pas.
Non seulement cette violence est punissable par la loi, mais elle est surtout immensément destructrice pour l’enfant.
 
Pour l’axe de la prévention, dès la petite enfance, nous pouvons informer et outiller notre enfant. Il existe de bons livres pour aborder ce sujet. Nous pouvons parler du corps, des parties sexuées, de ce qui est approprié ou non, nommer ce qu’on peut montrer, toucher, regarder, laisser toucher de son corps et de celui de l’autre.
 
Aujourd’hui, la violence sexuelle se manifeste aussi très fréquemment via des écrans. La pornographie brutale, le sexting, le cybersexe et toutes ces dérives sont accessibles en quelques clics, même par de jeunes mineurs. Ils doivent le savoir lorsqu’ils sont en contact avec des écrans.
 
L’enfant a besoin d’être averti de toutes ces dérives et de ce qu’il peut faire.
Qu’il apprenne à se protéger en disant « non »,  s’éloignant, cherchant de l’aide vers d’autres personnes. S’il est violenté, il faut qu’il en parle avec un adulte de confiance. S’il a été témoin ou a entendu parler d’une situation, c’est aussi indispensable qu’il sache qu’il doit le raconter à un adulte de confiance.
 
En tant que parents, nous devons rester vigilants et à l’écoute de notre enfant. Souvent, l’adulte pervers fait pression sur sa victime en lui disant « Tu es ma préférée », « Tu es à moi », « C’est notre secret » ou « Si tu en parles, je tue ta maman ». C’est très difficile pour un enfant de dévoiler cette horreur. Il est confronté à quelque chose d’innommable, d’effrayant, d’incompréhensible, de douloureux et hors de toute logique, contre-nature. Il doit dépasser l’état de sidération et la peur, pour pouvoir parler.
 
Si un enfant change, a régulièrement mal au ventre, ne veut pas aller chez un tel, semble avoir peur, montre un rapport étrange à son corps, manifeste un malaise à travers des dessins ou des jeux qui semblent concerner le sexe, dit des choses à ce sujet, se replie sur lui-même ou au contraire devient agressif, n’arrive pas à dormir, se remet à faire pipi au lit, à des difficultés soudaines à l’école… soyons dans la vigilance et à l’écoute. Un enfant subissant des violences sexuelles a besoin d’être entendu. Il a besoin d’être tout de suite cru.
 
Lorsque j’avais une douzaine d’année, j’ai été confrontée à un adulte qui voulait que je lui ouvre ma porte, de nuit. Je me rappelle la terreur et l’étonnement profond que j’ai ressenti lorsqu’il essayait de me convaincre de lui ouvrir la porte car il voulait me parler. Je me suis dit : « Mais pourquoi un adulte veut parler avec moi, un enfant, pendant la nuit ? ». Dieu, merci, j’ai gardé la porte fermée. Et mes parents m’ont crue. Mon témoignage se trouve ICI.
 
Les actions possibles en tant que parents, c’est d’abord d’être au clair avec sa propre sexualité. Si on a subi des violences soi-même ou si on sent en soi des pulsions violentes, incestueuses ou pédocriminelles, une thérapie est indispensable pour rester un parent sain et adéquat.
 
Si on est le conjoint d’un tel parent, il est temps d’agir courageusement pour protéger son enfant. Nous devons éloigner l’enfant et déposer plainte. Cela peut être une démarche extrêmement complexe et éprouvante, mais c’est pour la sauvegarde de son enfant.
Nous avons malheureusement régulièrement connaissance d’histoires terribles de mères punies par la loi en France, emprisonnées pour avoir voulu protéger leur enfant d’un père incestueux. Et où le père a obtenu la garde des enfants.
Il est temps que les adultes qui font partie de l’entourage de famille, où des violences sexuelles émergent, agissent. Ne laissons pas un enfant, qui pourrait être une victime, sans aide réelle et tout seul !
Voisin, grand-mère, parrain, prof, tout adulte a un rôle salvateur à jouer dans son entourage et dans la société.  Sachant l’ampleur de cette violence dans le monde, il est malheureusement bien possible que nous côtoyions une petite victime.
Nous avons à nommer et expliquer ainsi qu’à accueillir le message de l’enfant et à chercher de l’aide pour lui offrir protection, soins et reconstruction. 
 
 
Pour aller plus loin :
Livre dès 3 ans : Qui s’y frotte s’y pique ou comment Mimi a appris à dire NON
Deux livres de 7 à 13 ans : Le petit livre pour dire stop aux violences sexuelles faites aux enfants et Abus sexuels, non !
Site pour ados : ciao.ch/articles/les-violences-sexuelles
Info pour adultes : kinderschutz.ch/fr/violence-sexuelle
Brochure informative : centrelavi-ge.ch/wp-content/uploads/2022/04/Centre-LAVI-Agressions-sexuelles-sur-personnes-mineures-3.pdf
Pour revivre après une violence sexuelle : Dignity.ch 
 
Inspiré d’un article que j’ai écrit dans le magazine Family